Site icon Maison Responsable

ToBRFV : l’inquiétant virus des tomates qui menace notre agriculture et nos potagers

Gros plan sur une tomate infectée par le virus ToBRFV (Tomato Brown Rugose Fruit Virus) montrant des taches brunes irrégulières, une surface rugueuse et une maturation incomplète – symptômes typiques d'une contamination virale des cultures de tomates, illustrant les risques agricoles liés au ToBRFV.
13 minutes de lecture.



Invisible à l’œil nu mais redoutable pour les cultures, le virus Tomato Brown Rugose Fruit Virus (ToBRFV) inquiète de plus en plus jardiniers et maraîchers. Originaire du Proche-Orient, il s’est rapidement propagé à travers le monde, frappant à la porte des serres françaises dès 2020. En quelques années, ce pathogène végétal a bouleversé l’équilibre fragile des exploitations agricoles, mettant en péril des récoltes entières de tomates, poivrons et piments.

Derrière ses symptômes parfois trompeurs – marbrures de feuilles, fruits rugueux, maturation incomplète – se cache un virus particulièrement tenace, capable de survivre sur les outils, vêtements ou sols pendant des mois. À la croisée des enjeux sanitaires, économiques et écologiques, la lutte contre le ToBRFV ne se limite pas au monde professionnel : elle engage aussi les jardiniers du dimanche, invités à redoubler de vigilance pour contenir une menace désormais bien établie à nos portes.

Le ToBRFV, un virus destructeur qui menace tomates et poivrons

Une menace émergente venue du Proche-Orient

Peu connu du grand public il y a encore quelques années, le ToBRFV – ou Tomato Brown Rugose Fruit Virus – s’est imposé comme un agent pathogène redoutable. Le virus a été identifié pour la première fois en Israël en 2014, avant de se propager rapidement au Moyen-Orient, puis dans le reste du monde.

En 2015, il est détecté en Jordanie. Dès 2018, le ToBRFV traverse les frontières pour atteindre des pays européens comme l’Allemagne, mais aussi des puissances agricoles comme les États-Unis. L’année suivante, la contagion s’accélère : Turquie, Chine, Royaume-Uni, Grèce et Pays-Bas sont tour à tour touchés.

La France n’est pas épargnée : en février 2020, le premier cas confirmé sur le territoire est identifié dans une exploitation située dans le Finistère, en Bretagne. C’est le début d’une alerte sérieuse pour la filière maraîchère française.

Ce virus s’attaque principalement aux cultures de tomates, mais ne s’arrête pas là. Les poivrons et les piments figurent également parmi les cibles privilégiées de ce fléau. D’autres membres de la famille des solanacées, comme la pomme de terre ou le tabac, sont à surveiller de près, même s’ils sont à ce jour moins exposés. Les pétunias, plantes ornementales très courantes, pourraient également jouer un rôle dans la dissémination du virus.

Au vu de cette propagation accélérée et du spectre large de plantes hôtes, la vigilance est désormais de mise dans le moindre jardin potager comme dans les grandes serres professionnelles. À noter qu’les nématodes, des alliés naturels pour lutter contre les ravageurs dans les cultures de tomates et poivrons, peuvent être intégrés dans une stratégie écologique globale de prévention, bien que leur impact sur les virus reste indirect.

Un virus aux conséquences lourdes sur la production

Les dégâts causés par le ToBRFV ne se limitent pas à quelques feuilles fanées. Dans les exploitations à haute densité de plantation, une épidémie virale peut entraîner la perte totale de la récolte, représentant alors un risque économique considérable.

Avant même que la plante meure, le fruit perd toute qualité commerciale : altération du goût, texture désagréable, peau rugueuse, maturation incomplète… Résultat : les tomates, pourtant bien formées à l’œil nu, deviennent impropres à la vente et à la consommation. Un désastre pour les producteurs, souvent contraints d’arracher massivement les plants contaminés.

Face à cette menace invisible mais dévastatrice, les producteurs, jardiniers amateurs et institutions agricoles se retrouvent en première ligne pour protéger des cultures devenues vulnérables – et précieuses.

Reconnaître les symptômes du virus ToBRFV

Des signes visibles et parfois trompeurs

Le tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV) est redouté non seulement pour les dégâts qu’il inflige, mais aussi pour la complexité de son diagnostic visuel. Ses symptômes sont souvent confondus avec ceux d’autres maladies virales ou fongiques courantes, rendant la détection d’autant plus délicate.

  • Sur le feuillage : l’apparition de taches en mosaïque et de marbrures est caractéristique. Les feuilles peuvent devenir jaunes le long des nervures (on parle de chlorose nervaire), se rétrécir ou se déformer de manière notable. Il n’est pas rare de voir des plantes au port affaibli sans que la cause soit immédiatement évidente.
  • Sur les fleurs : les pédoncules – ces tiges qui supportent les fleurs – montrent des signes de dessèchement. Les calices (petites feuilles qui protègent la fleur) présentent fréquemment des nécroses, compromettant le développement normal du fruit.
  • Sur les fruits : c’est là que le ToBRFV dévoile ses effets les plus spectaculaires. Les tomates infectées arborent des taches irrégulières jaunes ou vertes qui brunissent avec le temps. Leur surface se couvre de zones rugueuses, parfois déformées, et la maturation est hétérogène. Le fruit devient alors impropre à la vente ou à la consommation.

Ces altérations peuvent facilement prêter à confusion. D’autres virus comme le TMV (virus de la mosaïque du tabac), le ToMV (virus de la mosaïque de la tomate) ou encore le PepMV (virus de la marbrure du piment) engendrent des symptômes similaires. Sans compter certaines maladies fongiques comme l’alternariose, qui provoque également des taches sur feuilles et fruits — les jardiniers peu expérimentés auront intérêt à se renseigner sur les différences entre les symptômes du ToBRFV et ceux de l’alternariose.

Un point crucial : l’observation seule ne suffit pas. Le seul moyen fiable d’identifier la présence du ToBRFV est de faire analyser les plantes suspectes en laboratoire, via des tests moléculaires (PCR). Cette procédure est aujourd’hui systématisée dans les zones à risque pour éviter que le virus ne se propage davantage.

Face à un foyer suspect, la vigilance demeure la meilleure arme : une surveillance régulière et attentive du feuillage, des fleurs et des fruits est indispensable tant pour les professionnels que pour les jardiniers amateurs.

ToBRFV : un virus hypercontagieux difficile à maîtriser

Les vecteurs de propagation à connaître

Le tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV) est redouté non seulement pour ses effets dévastateurs sur les cultures, mais aussi pour sa capacité de propagation inhabituelle. Contrairement à de nombreux agents pathogènes, ce virus se transmet essentiellement de manière mécanique, ce qui le rend particulièrement difficile à contenir.

  • Le contact direct entre plantes infectées et saines suffit à déclencher une contamination : la moindre blessure sur une feuille ou une tige constitue une porte d’entrée pour le virus.
  • Les outils de jardinage, les gants, les vêtements et même les mains peuvent devenir des vecteurs invisibles. Une taille ou un greffage avec un sécateur contaminé, et le tour est joué.
  • Les insectes comme les thrips ou les abeilles sont également suspectés de jouer un rôle indirect en véhiculant le virus d’une fleur à l’autre.
  • Les fruits, semences ou jeunes plants contaminés sont une source majeure d’introduction dans de nouvelles cultures. D’où l’importance de se fournir chez des producteurs fiables et traçables.
  • L’eau d’irrigation non contrôlée, tout comme les substrats de culture recyclés, peuvent abriter des traces de ToBRFV encore actifs sur la durée.

Particulièrement inquiétant : la stabilité du virus. Le ToBRFV peut survivre plusieurs mois — voire jusqu’à un an — sur des surfaces inertes comme le métal, le plastique ou le bois. Une table de rempotage mal désinfectée peut ainsi se transformer en foyer de propagation silencieux.

Les différentes manipulations horticoles (récolte, effeuillage, greffage, palissage, etc.) sont autant d’interactions à risque, surtout dans les serres ou tunnels où la densité de plantation est élevée. Là, un seul plant infecté peut suffire à contaminer l’ensemble en quelques jours.

Enfin, il est important de ne pas négliger l’impact des plantes mellifères sur la propagation virale via les pollinisateurs. Bien que considérées comme bénéfiques pour la biodiversité, certaines espèces florales peuvent accidentellement faciliter la dissémination du ToBRFV par le biais d’abeilles contaminées après contact avec une fleur infectée.

Face à un virus aussi persistant et insidieux, l’éducation des jardiniers comme des professionnels à l’hygiène phytosanitaire est essentielle. Mieux vaut surestimer le risque que le sous-estimer.

Faut-il céder à la panique face au virus tomato brown rugose fruit virus ?

Un danger uniquement pour les plantes

Face à l’appellation inquiétante du ToBRFV, ou tomato brown rugose fruit virus, il est naturel de se poser la question : devons-nous craindre pour notre santé ou celle de notre entourage ? Rassurez-vous, ce virus appartient à une catégorie strictement végétale. Il ne représente aucun danger pour les humains, ni par contact, ni par consommation de fruits contaminés.

Ce pathogène cible exclusivement les solanacées, un groupe de plantes comprenant les tomates, les piments, les poivrons, et dans une moindre mesure les pommes de terre, le tabac ou encore les pétunias. Sa spécificité signifie qu’il ne menace ni la faune ni le consommateur final, mais bien la production agricole.

Déjà confrontés à d’autres virus comme le tomato mosaic virus (ToMV) ou le pepino mosaic virus (PepMV), les professionnels du maraîchage savent que les maladies virales sont monnaie courante. Le ToBRFV inquiète davantage en raison de sa vitesse de propagation et de la sévérité de ses conséquences en cas de contamination à grande échelle.

Une menace à relativiser pour les particuliers, mais à surveiller

Si les exploitations maraîchères intensives sont les premières concernées, notamment en raison de la promiscuité entre les plants et des manipulations fréquentes (greffage, récolte, transfert…), les jardiniers amateurs ne doivent pas pour autant céder à la panique.

Dans un potager familial, les plantations sont souvent plus espacées, la diversité végétale est plus grande et les échanges de matériel moins fréquents. Autant de facteurs qui réduisent considérablement le risque de transmission du virus.

Pour autant, la vigilance reste de mise, notamment dans la gestion du sol. Un bon indicateur de la santé de la terre peut être la présence de certaines plantes adventices persistantes. Ainsi, le chiendent, un indicateur de sol pour mieux comprendre la santé des plantes sensibles aux virus, peut signaler des déséquilibres qui favorisent le stress des cultures et les rendent plus vulnérables aux maladies virales comme le ToBRFV.

Observer, diversifier ses plantations, entretenir un sol vivant : loin d’être un rempart infaillible, ces gestes sont néanmoins essentiels pour maintenir un écosystème équilibré dans lequel les virus trouvent moins facilement leur place. Pas de panique donc, mais une attention éclairée, pour des récoltes saines et un potager en pleine forme.

Prévenir et agir : nos conseils concrets pour jardiniers et maraîchers

Signaler les cas suspects : un geste de responsabilité

Face à la menace du virus ToBRFV, la première ligne de défense reste la vigilance. Vous observez des fruits déformés, des feuilles marbrées ou une maturité irrégulière ? N’attendez pas : signalez toute suspicion de contamination.

En cas de doute, contactez sans tarder votre chambre d’agriculture locale. Ce signalement permet non seulement d’éviter la propagation du virus, mais il contribue aussi à enrichir les données de suivi sanitaire au niveau national.

Attention : un cas confirmé peut entraîner des mesures drastiques, telles que la mise en quarantaine de la parcelle concernée, une désinfection rigoureuse — souvent chimique — de toutes les surfaces touchées ou encore l’arrachage des plants sur plusieurs rangs. C’est pourquoi il est essentiel d’agir sans délai, dès l’apparition de symptômes suspects.

Mieux vaut prévenir : gestes simples pour limiter les risques

Limiter les risques de contamination passe aussi par des gestes quotidiens accessibles à tous, professionnels comme jardiniers amateurs.

  • Espacer les plantations : Évitez de planter vos tomates trop serrées. Une meilleure aération réduit les frottements entre feuilles et freine la transmission du virus.
  • Intercaler des cultures : Associez vos solanacées à des cultures non hôtes comme les salades, les choux, le basilic ou encore les tagètes. Ces plantes barrières freinent la propagation mécanique dans le potager.
  • Privilégier les semences fiables : Mieux vaut éviter les graines issues de grands circuits de distribution. Optez pour des semences de confiance ou produites chez vous à partir de fruits sains. Cette méthode limite les risques d’introduction du virus dans votre sol.
  • Favoriser la production maison : Un plant maison, cultivé à partir de vos semis, offre davantage de garanties sanitaires que les plants standardisés des jardineries, souvent issus de cultures intensives où le ToBRFV peut circuler plus facilement.
  • Renforcer les plantes : Penser à choisir un engrais naturel adapté pour renforcer les plants contre les infections virales comme le ToBRFV. Un sol bien nourri et des plants vigoureux sont de précieux atouts.

Mesures curatives : agir rapidement pour stopper l’épidémie

Malheureusement, il n’existe à ce jour aucun traitement curatif contre le ToBRFV. Une fois le virus déclaré, seule une élimination rapide et méthodique permet d’éviter sa dissémination.

Voici les principales actions à mettre en œuvre dès qu’une contamination est suspectée ou confirmée :

  • Arracher et brûler tous les plants malades et ceux situés à proximité immédiate, même s’ils paraissent sains.
  • Désinfecter soigneusement les outils de coupe, les tuteurs, et tout autre matériel de culture.
  • Nettoyer le sol en profondeur : certains maraîchers optent pour un vide sanitaire saisonnier afin de casser le cycle du virus.

En Allemagne, ces mesures radicales ont permis d’éradiquer la présence du virus localement dans certaines zones maraîchères. Une preuve que, bien que tenace, le ToBRFV peut être contenu à condition d’agir vite et fermement.

Pour consulter la liste exhaustive des mesures de biosécurité, rendez-vous sur le site de l’INRAE, qui met à disposition des professionnels et particuliers des protocoles actualisés en fonction de l’évolution de la situation.

Le virus ToBRFV représente aujourd’hui une menace sérieuse pour les cultures de tomates et de poivrons, tant pour les producteurs professionnels que pour les jardiniers amateurs. Sa propagation rapide, sa résistance exceptionnelle et l’absence de traitement curatif en font un adversaire redoutable. Toutefois, des gestes simples — vigilance, hygiène rigoureuse, diversité des plantations et choix de semences saines — permettent de limiter considérablement les risques. Loin de céder à la panique, il s’agit d’adopter des comportements responsables et préventifs. Avec une surveillance attentive et des pratiques de jardinage éclairées, il est possible de préserver des récoltes saines et durables.

Quitter la version mobile